Uva, 5230-232 Santo Adrião, Portugal
Uva, c'est un village de 50 habitants situé dans la région de Trás-os-Montes (nord-est du Portugal) dans la région viticole de Planalto Mirandês (IPR). La singularité de ce village provient des nombreux pigeonniers qui sont répartis sur la totalité du village. Des pigeonniers qui, à une époque révolue, étaient un symbole de prospérité. On mangeait les pigeonneaux et on se servait des excréments comme d'engrais pour l'agriculture. Le village comptait aussi de nombreux vignobles.
A 500 mètres de hauteur, un dicton portugais décrit parfaitement le climat de la région : "9 mois d'hiver et 3 mois d'enfer". Il est 11 heures et la température avoisine déjà les 34 degrés, une journée torride s'annonce. Oliviers, chênes et châtaigniers sont les principaux arbres que l'on retrouve dans la région. L'aridité est forte et la végétation ponctue le paysage en pointillé. Les anciens ont pour habitude de labourer, tout, tout le temps, ce qui a pour effet d'amplifier ce sentiment de sécheresse.
A Raisin, nous suivons le travail d'Aline depuis ses débuts et si c'est peu dire que la vie de vigneron est très difficile, la vie de vigneronne est souvent encore bien plus compliquée. En 2017, Aline souhaite faire du vin. Son grand-père et son père ne sont pas d'un enthousiasme débordant à l'idée de la voir se lancer dans ce projet. Quand on a quitté un endroit en espérant mieux vivre ailleurs, voir sa descendance faire le chemin inverse doit sans aucun doute apparaitre comme un retour en arrière. Il faut dire que si la situation économique du village n'était sûrement pas exceptionnelle au moment où ses parents sont venus vivre en France (post dictature Salazar), elle s'est dégradée d'année en année depuis. Comme souvent, l'agriculture et l'élevage se meurent en silence, les jeunes vont travailler dans les villes, les habitants les plus âgés disparaissent et les toits s'effondrent... Mais, tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. L'espoir est ici incarné par l'association Palombar – Conservação da Natureza e do Património Rural qui, installée à Uva depuis 20 ans, fait un travail formidable grâce à des jeunes venus de toute l'Europe afin de restaurer les pigeonniers et le patrimoine rural local. Aline nous explique que sans la présence de cette association, qui contribue à redynamiser le village, elle n'aurait sans doute jamais eu la force de s'y installer seule et d'y rester. A Uva, cette jeune génération incarne une volonté d'aller de l'avant en construisant un avenir et de ne pas simplement ressasser un passé disparu.
Aline est quelqu'un de discret, plutôt réservée. Lorsqu'on la rencontre pour la première fois, on est surpris par son débit de parole plutôt lent, qui pourrait laisser croire à une certaine nonchalance. Il n'est est rien et c'est à la seule force de sa motivation et de sa détermination, remuant ciel et terre, qu'elle a réussi à sortir ses premiers vins.
Son diplôme de Recherche en Fermentations en poche, Aline part travailler quelques mois dans l'exploitation familiale biologique de Quinta do Romeu, à environ 1 heure de route d'Uva, et se lance dans la réalisation de ses premiers vins, avec les raisins de son grand-père et de son père, à sa façon. On lui reproche de ne pas faire comme avant, qu'il faudrait labourer davantage, ne pas laisser d'herbe, on lui explique qu'on aime pas le goût de ses vins, ou qu'ils ne goûtent pas comme il faudrait... Bref, tout est fait pour ne pas l'encourager à continuer. Mais c'est mal connaître Aline. Cette première expérience la conforte dans le potentiel des cépages indigènes et dans sa capacité à proposer autre chose. Aline veut faire du vin naturel. Pourquoi s'installer ailleurs quand tout semble converger à Uva ? Son choix est fait et elle se lance dans l'aventure : son domaine s'appellera Menina d'Uva (la fille d'Uva). Tout un symbole. En dépit de leur inquiétude pour la viabilité du projet, son grand-père et son père mettent à sa disposition leurs caves, sans eau ni électricité, mais à l'incroyable fraîcheur naturelle. Avec l'aide d'un premier crowdfunding, elle achète son premier pressoir et aménage les lieux. 2018 sera sa première année de production, avec son rouge Palomba (pigeon en portugais), une jolie réussite.
J'ai troqué Paris contre une vie simple et rurale, qui m'a toujours attirée, dans le but de prendre soin et de partager le merveilleux patrimoine viticole de cette région. — Aline Domingues, Vigneronne naturelle.
A Uva, Aline intrigue. Peu à peu, elle parvient à gagner la confiance d'autres habitants, qui lui confient leurs parcelles en fermage. Aujourd'hui, Aline s'occupe de 10 petites parcelles locales (3 ha au total), qu'elle entretient seule au quotidien : taille en gobelet (avec 300 mm de précipitations annuelles, pas de mildiou ici), agriculture biologique, sans produits de synthèse, avec des plantes et son propre compost. Aline choisit de stimuler la vie du sol, par le rétablissement d'une couverture, composée de légumineuses et de graminées, qui permet une augmentation de la matière organique disponible, et protège la vigne du phénomène de désertification des sols. Les anciens sont dubitatifs ? Les résultats sont probants sur ces terres arides, composées de sols de schiste et de quartz !
Je n'applique absolument aucun traitement sur la vigne, la chaleur diurne, le vent et l'aridité ainsi que la fraîcheur nocturne sont idéales pour cette plante. — Aline Domingues, Vigneronne naturelle.
Petit à petit, les vins d'Aline s'imposent, au Portugal et dans le monde : deux rouges (Palomba et Ciste), un blanc (Liquen) et un rosé (Empusa) permettent d'expérimenter différentes expressions aromatiques des cépages et du terroir local. Des vins qui étonnent par leur profondeur et leur légèreté : le degré d'alcool est maitrisé et les vignes, parfois centenaires, expriment leur singularité avec une certaine élégance. Le travail au chai est lui aussi impeccable : les raisins entiers fermentent en cuve (pour les rouges) et sont lentement pressés avec un pressoir manuel vertical (pour les blancs et les rosés). Les vins fermentent naturellement, sans ajout de levures ou d'additifs, avec très peu ou pas de sulfites. Aline a choisi un élevage sur lies fines en cuves inox (sauf le rosé qui bénéficie d'un peu d'élevage en fût), puis mis en bouteille manuellement, par gravité, sans collage ni filtration.
A mesure que sa production s'étoffe, son projet de vie prend forme également. A défaut de pouvoir acheter ses propres vignes, Aline dessine son avenir, et aussi un peu celui d'Uva : elle plante ses propres pieds et se lance dans des travaux de rénovation pour la maison qu'elle vient enfin d'acquérir. "J'ai troqué Paris contre une vie simple et rurale, qui m'a toujours attirée, dans le but de prendre soin et de partager le merveilleux patrimoine viticole de cette région", nous confie-t-elle. Aline est en train de réussir un sacré pari, à la seule force de son caractère et de ses bras : faire exister Uva dans le monde du vin naturel. Força Menina d'Uva !
A venir, une liste complète des bars, restaurants et cavistes où trouver les vins d'Aline Domingues - Menina D'Uva.
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