Montlouis, vignoble de Loire
La première fois que Laura David a entendu parler d’une opportunité d’installation dans les vignes de Montlouis, il a fallu qu’elle vérifie sur une carte où ça se trouvait. « J’avais dû goûter une fois un vin de François Chidaine, mais c’est tout », se souvient-elle. Pourtant, elle a foncé, consciente qu’une chance comme celle-là ne se présenterait pas deux fois. « En plus de 7 hectares de vignes en fermage sur les sables à silex, on me proposait d’intégrer la CUMA de Montlouis, explique-t-elle. Ca voulait dire pas besoin d’acheter du matériel tout de suite. Je n’avais pas l’intention de m’installer aussi vite, mais cette proposition était parfaitement adaptée. »
Arrière-petite-fille de vigneron (à Bourgueil), la passion du vin lui est venue assez jeune, en études d’hôtellerie. « Je voulais travailler chez un caviste. Mais je n’ai pas réussi à avoir de stage. Ils ne voulaient pas de femme. Je me suis dit que quand je saurais faire du vin, je ne leur en vendrais pas. » Un stage dans un domaine bordelais a fini de la convaincre : « En une semaine, j’ai su que c’était ce que je voulais faire. »
Moins de dix ans plus tard, on peut donc dire qu’elle a réussi ce projet-là. Mais ça ne suffit pas. « Le but c’est d’être heureux », explique-t-elle. « Et que si demain on doit léguer notre bout de terre, qu’il soit sain. » Dans les deux cas, c’est aussi devenu une histoire de couple : son conjoint Clément Thomasson l’a rejoint à mi-temps dans les vignes. L’autre moitié du temps, il est boulanger. Il a installé son fournil à côté du chai de Laura, et vend son pain – à base de farines bio locales et de levain indigène- aux gens du village, chaque soir. « Mais il s’est pris de passion pour la vigne, explique Laura. Si bien que j’ai fini par lui acheter un tracteur. » Et l’année dernière, elle a accepté 1,5 hectares de vignes en plus. On leur dit souvent, apparemment, qu’ils sont « tout mignons », lui avec son pain, elle avec son vin. « Mais je crois que c’est surtout qu’on est cohérents. »
« C’est peut-être la leçon la plus difficile du métier de vigneronne ; accepter de ne pas tout maîtriser. Tu peux tout faire, donner le meilleur de toi, faire tous les bons choix… et quand même tout perdre. » — Laura David, vigneronne à Montlouis.
Avec Clément à ses côtés, Laura explore donc le métier, millésime après millésime. « Pour moi, la vigne c’est la liberté, et le chai c’est la créativité, explique Laura. » La jeune femme refuse d’être mise dans une case, y compris celle des vins naturels. « D’abord, je me cherche encore. Ensuite, je n’ai rien à prouver. J’ai des ambitions, mais je n’y suis pas encore. » Tous ses vins sont réalisés avec les levures indigènes, une dose minimale (15 à 20mg de total) de soufre; la plupart de ses blancs sont filtrés.
Ses cuvées (trois chenin secs parcellaires, un moelleux, un méthode traditionnelle, un pet’nat, deux rouges et un rosé) prennent les noms des multiples facettes de Laura : Facétieuse, Insolente, Optimiste, Naturelle (un pet’nat, ou « Pétillant originel », le nom de l’appellation propre à Montlouis), pour les blancs. Mais c’est dans le rouge « Mon Mojo » (75% cabernet sauvignon, 15% côt, 15% pinot noir pour le 2020) que l’on retrouve toute son énergie et sa fraîcheur.
Pour l’instant, ses installations sont plutôt rustiques. Elle a trouvé une cave troglo dans le mignon petit village de Lussault, et partage pressoirs et vendangeurs avec ses voisins du domaine de Montorey. « Mais on a encore des travaux à faire pour être vraiment bien. Sauf qu’après cette année 2021 et le gel au printemps, j’ai plutôt choisi d’investir dans une tour antigel. » Comme partout ailleurs, l’année a été difficile. « C’est peut-être, explique-t-elle pudiquement, la leçon la plus difficile du métier de vigneronne : « Accepter de ne pas tout maîtriser. Tu peux tout faire, donner le meilleur de toi, faire tous les bons choix… et quand même tout perdre. »
Mais heureusement, explique-t-elle, « il y a des gens autour de nous, qui portent nos rêves avec nous ». Elle a notamment trouvé à Montlouis une bande de vignerons dynamiques et partageurs, comme souvent dans les appellations qui ont dû batailler pour exister. « On fait de la biodynamie ensemble. C’est un peu désorganisé, mais on va dans les vignes les uns des autres, et ça reste un moment d’échange privilégié. » Depuis son arrivée express à Montlouis, il y a cinq millésimes de ça, pas une fois depuis Laura David n’a regretté son choix. Malgré le gel. Malgré les nuits sans sommeil. Malgré tout ce qu’il reste à accomplir. « Je suis toujours un peu gênée quand on me parle de mon métier en me demandant ‘Alors, pas trop dur ?’. Franchement, si c’était si difficile que ça, on ne le ferait pas, si ? »
Trois chenins secs parcellaires, un moelleux, un méthode traditionnelle et un pet'nat'